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Vincent Bonzom tout du long : deux concerts en juin 2025
Collégiale de Montmorency (dimanche 15 juin)
Elsa-Triolet de Bezons (mercredi 18 juin)
La
décision
est
passée,
après
concertation,
par
un
vote
du
Chœur
de
la
Vallée
de
Montmorency
:
plusieurs
possibilités
s’offraient
en
2024
pour
le
programme
2025
mais
ce
n’est
pas
tous
les
jours
a
priori
qu’un
chef
de
Chœur
est
aussi
compositeur.
Nous
avions
déjà
fait
en
2018
l’expérience
de
la
création
du
Stabat
Mater
de
Vincent,
œuvre
pour
Chœur
et
orchestre
:
le
compositeur-chef
de
chœur
avait
à
portée
de
voix
un
laboratoire
vivant
pour
faire
résonner,
au
fil des arrivages correspondant à son travail, les pièces constituant une œuvre encore jamais donnée à entendre.
Nous
savions
qu’à
l’origine,
Vincent,
qui
avait
dirigé
en
la
collégiale
de
Montmorency
le
Chœur
au
cours
du
baptême
d’une
petite
fille
de
la
famille
de
Luxembourg,
avait
été
percuté
par
la
terrible
annonce
du
décès
brutal
de
cette
enfant.
Comment
ne
pas
penser
alors
à
la
douleur
d’une
mère
?
Comment
ne
pas
être
saisi,
quand
on
est
compositeur
dans
l’âme,
par
l’impérieuse
nécessité
d’exprimer
en
musique
à
travers
un
texte
ayant
traversé
les
siècles,
les
émotions
—de
la
détresse
insondable
à
l’espérance—
qu’une
mère
terrassée
par
la
mise
à
mort
injuste
de
son
fils
ou
par
la
disparition
de
son
enfant,
peut
éprouver
?
La
voie
de
la
création
ainsi
frayée,
Vincent
a
beaucoup
travaillé et mis au monde un nouvel ouvrage.
Ainsi,
Le
25
mai
2018,
dans
la
Collégiale
de
Montmorency
puis
en
l’église
Saint-Joseph
d’Enghien
se
sont
succédé
le
Stabat
Mater
de
Pergolèse
puis
le
Stabat
Mater
de
Vincent
Bonzom,
création
pour
Chœur
et
orchestre
—
en
l’occurrence l’Orchestre de musique de Chambre de Montmorency, sous la direction de François Detton.
Dans
l’intervalle,
Vincent
Bonzom
est
devenu
chef
de
Chœur
et
professeur
de
Chant
au
sein
de
l’Ecole
Municipale
de
Musique
et
de
Danse
de
Bezons
(E.M.M.D
François-
Doerflinger),
favorisant
les
interactions
entre
les
choristes
des
deux
ensembles
vocaux.
On
soulignera
ici
la
manière
dont
Vincent
Bonzom,
maniant
à
la
fois
exigence,
humour,
connaissance
fine
et
des
limites
et
des
possibilités
de
chacun,
a
su
constituer,
sans
sélection
ni
audition
préalable,
un
espace de confiance irriguant la démarche collective.
Les
deux
concerts,
donnés
à
quelques
jours
d’intervalle,
chacun
constitué
de
deux
parties,
ont
offert
un
tour
d’horizon
varié du travail de Vincent Bonzom.
En
premier
lieu,
l’
Ave
Verum
Corpus
de
Vincent
Bonzom
rejoint
en
douceur
la
tradition
du
Salut
au
Vrai
Corps
qui
met
en
lumière
à
la
fois
les
notions
de
présence,
de
substance
essentielle
transformée
—
éléments-clés
qu’incarne
la
musique
elle-même,
en
appui
sur
un
texte
interprété
de
génération
en
génération.
De
même,
le
Kyrie
Eleïson
et
l’Agnus
Dei,
sur
des
musiques
composées
pour
Choeur
par
Vincent,
déploient
à
partir
des
textes
liturgiques
les
nuances graduelles de la supplication dont ces œuvres de jeunesse sont le vecteur.
Ont
résonné
ensuite,
comme
trois
interludes
profanes
deux
pièces
évoquant
la
mer,
de
manière
impressionniste
—
Brise
marine
et
Les
Embruns—
interprétées
avec
grande
finesse
au
piano
par
Qianquian
Zang-Gaudin.
A
Bezons,
de
jeunes
élèves
danseuses
ont
illustré
l’évocation
par
une
chorégraphie
fluide
voilée
d’une
tonalité
bleue.
La
Berceuse,
intercalée
entre
les
deux
paysages
sonores
marins,
a
apporté,
à
travers
l’interprétation
sensible
de
la
soprano
Yang
Xiu, les variations paisibles et désarmantes d’un moment d’intimité partagé par tous les parents du monde.
La
passion
de
Vincent
pour
les
univers
musicaux
arméniens
a
résonné
dans
Gantsevere
Deghas,
œuvre
pour
violon
et
piano
et
dans
Papak,
chant
interprété
par
Yang
Xiu
accompagnée
par
Qianquian
Zang
Gaudin
:
comment
ne
pas
penser
à
la
chapelle-tombeau
du
prince
Papak
taillée
en
pleine
pierre
dans
le
monastère
de
Geghard,
l’acoustique
du
lieu rendant possible la réverbération d’une seule voix dont les échos renvoient en se démultipliant, à un chœur ?
En
clôture
de
la
première
partie,
un
duo
violon-violoncelle
a
suivi
Les
poulettes,
espiègle
et
sautillante
déambulation
des fameux volatiles sur le clavier arpenté par Qianqian.
En
ouverture
de
la
deuxième
partie,
l’
Ave
Maria
,
déjà
donné
en
2018
puis
repris
en
2023
pour
l’anniversaire
du
Chœur
de
la
Vallée
de
Montmorency,
a
de
nouveau
déployé
les
nuances
du
Salut
à
Marie
incluant
l’intensité
bouleversante
de
l’
Ora
pro
nobis
jusqu’
à
la
nappe
sonore
de
l’
Amen
,
dans
laquelle
progressivement
se
fondent
et
se
retrouvent dans une même énergie toutes les voix.
Le
Stabat
Mater
,
pièce
maitresse
des
deux
concerts
a
déroulé
comme
autant
de
tableaux
sonores
toutes
ses
denses
séquences,
chacune
d’entre
elles
faisant
surgir,
à
travers
une
poésie
sonore
les
images
fortes
attachées
à
l’hymne
originelle
dans
la
Liturgie
des
Heures.
Cette
fois,
Vincent
Bonzom
a
proposé
une
réécriture
de
sa
partition
pour
Chœur,
piano
et
violoncelle,
ce
dernier
instrument
soulignant
dans
sa
profondeur
le
fil
vocal
de
l’ensemble.
Le
chœur,
toujours
accompagné
par
Qianqian
Zang-Gaudin
—
dont
on
soulignera
la
performance
au
cours
de
ces
deux
concerts
—
et
par
la
brillante
violoncelliste
Myriam
Vove,
a
repris
un
chemin
déjà
sillonné
mais
révélant
de
nouvelles
perspectives.
Dans
le
Stabat
mater
dolorosa,
les
voix
masculines
ouvrent
le
champ-chant
de
vision
et
donnent
à
entendre
comme
on
donnerait
à
voir,
la
scène-clé,
dans
laquelle
la
Mère
par
excellence
se
tient
debout
au
pied
de
la
croix
après
exécution
de
la
sentence
et
de
son
Fils.
Le
cujus
animam
gementem
sur
un
rythme
ternaire
inattendu
restitue
les
gémissements
de
l’âme
maternelle
avant
d’aborder
dans
un
ralenti
partagé
les
miroitements
d’une
tristesse
infinie.
Le
Quae
morebat
est
de
nouveau
ouvert
par
les
voix
masculines
figurant
les
témoins
de
la
scène,
très
vite
rejoints
par
tout
le
chœur,
grand
témoin
sonore
qui
déploie
graduellement
la
contemplation
avant
de
revenir
comme
inlassablement,
à
travers
des
changements
de
tonalité
tous
significatifs,
à
l’énoncé
initial,
qui
se
clôt
en
mode
majeur.
Le
Quis
est
homo,
porté
par
toutes
les
voix
chargées
de
la
question
majeure
—
qui
peut
rester
insensible
à
une
telle
douleur
?
—
forme
un
précipité
mettant
en
relief,
de
degré
en
degré,
de
tonalité
en
tonalité,
la
question
de
fond,
jusqu’au
dernier
«
Quis
».
Après
l’évocation
de
la
tendresse
maternelle,
le
Fac
ut
ardéat
emporte
tout
le
Chœur
dans
l’invocation,
la
demande
éclairée
par
le
sens
de
la
scène
initiale
et
par
la
voix
de
la
soliste
qui
prend
le
relais
avant
le
retour
de
toutes
les
voix.
Le
Fac
me
tecum
pie
flere
,
interprété
par
Yang
Xiu,
porte
à
incandescence,
en
atteignant
des
hauteurs
opératiques,
toute
l’invocation.
Dans
le
sillage,
le
Virgo
virgininum
poursuit
à
la
fois
l’hommage
et
l’invocation,
soulevés
par
toutes
les
voix.
Le
fac
ut
portem,
interprété
par
Qianqian,
transforme
l’invocation
en
surprenant
bal
de
la
demande,
avec
une
sorte
de
valse
qui
non
seulement
met
à
distance
le
contenu
lié
à
la
mort
mais
joue
avec
lui
pour
mieux
en
affronter
l’idée.
Avec
l’
Inflammatus,
la
crainte
se
traduit
par
une
scansion
forte,
marquant
l’intensité
de
la
situation,
la
détermination
face
à
un
instant
décisif
puis
dans
un
ralenti
ternaire
plein
de
douceur
transparait
la
certitude
de
l’accompagnement
maternel.
Chœur,
soliste
et
instruments
abordent
enfin
ensemble
dans
une
retenue
presque
séraphique
l’ultime
étape
:
le
Quando
corpus
morietur,
d’abord
apaisant,
rappelle
solennellement
dans
un
deuxième
temps
les
stades
du
grand
passage
et
les
voix
partagent
une
montée
sublime
vers
l’évocation
du
paradis
qui
transparait
dans
les
aigus
soutenus
vers
la
fin
par
l’unisson
puis
par
l’épanouissement en cascade du dernier
Amen.
Ces
deux
concerts
exceptionnels
ont
été
reçus
avec
enthousiasme
par
des
publics
différents,
qui
ont
su
rendre
hommage au travail du compositeur, chef de chœur et professeur.
Christine ESCHENBRENNER, fin juillet 2025